Idéoscopie de la démocratie
La démocratie est la plus importante invention politique de l'homme. Importante sous trois dimensions. L'étendue de son influence est infiniment large; elle touche diverses couches d'une population, pauvres et riches, hommes et femmes, jeunes aux études, travailleurs et retraités. Elle affecte la vie et le destin des institutions au sein d’une société, les structures étatiques ou privées, collectivistes ou associatives. La démocratie est un phénomène en extension continue en plus d’une dimension, à l’image de la vie sur terre.
Tout le long de mes vingt dernières années, j'ai promené d'un regard interrogateur mon esprit intéressé dans les labyrinthes de la démocratie. Voici en cinq points, ce que j'en retiens :
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Pouvoir d’influence infinie
La démocratie agit sur un fort pourcentage de populations. Elle agit, et fait réagir. Dans les sociétés où elle est instituée en modèle de gouvernance, elle constitue une seconde religion pour les fidèles des confessions traditionnelles encrées, et une première pour les athées et les anarchistes souples.
La démocratie rassemble divers mondes, de tous les âges, de toutes croyances, de toutes tendances, de différentes cultures. Humanistes et racistes, missionnaires et actionnaires, gens d'affaires et gens d'armes, sont frères et sœurs en démocratie. La démocratie a mille visages, elle réunit en un seul dix mille villages. Partis et associations politiques constituent des familles à l’échelle locale, régionale, nationale et même au-delà. Leur secret, vendre la foi d’avoir des pouvoirs et de pouvoir les exercer. Pouvoirs du peuple, par et pour le peuple! Rarement on en sera indifférent.
Illusion d’universalité
La démocratie se vue comme un idéal mondial. Elle n'est pourtant pas universelle. Sa définition crée l'illusion que tout le monde est concerné, et y participe. Or, des pans importants de populations ne suivent pas le mouvement. Dans le monde, des sociétés demeurent insensibles aux parfums de la démocratie. D'autres peuples sont à l’abri de ses vents. Et là où la démocratie bat des ailes, ce n’est jamais à l’unisson.
Dans mes deux pays, le Canada et le Rwanda, la démocratie y tient un double et trouble langage. Au Rwanda, la même urge consacre la même idéologie. Un parti est au pouvoir, tout le peuple est aux pas. C’est un modèle de démocratie à l’unisson. Au Canada par contre, pays démocratique sans conteste, le vote populaire consacre une cacophonie idéologique. Chaque idée qui reçoit un vote passe au micro, aucun élu n’aura du peuple le pouvoir de faire taire le peuple, plutôt celui de lui faire faire ou l’empêcher de faire la volonté populaire. Car cette volonté n’a jamais de place dans les urnes. Ainsi le modèle canadien consacre les dictatures de masses et d’élus. Le parti ayant la majorité des sièges à l’assemblée des élus dicte ses idées et ses sensibilités, et il est libre d’écouter les avis des autres. Ces élus d’un jour, gouvernent plusieurs jours de pluies et de beaux temps, à l’effet que des citoyens leur ont signé un mandat à blanc. Que peuvent savoir les électeurs, d’un tel mandat? Le jour du vote, ils expriment des attentes et des idées non statiques, toutes différentes, et à fortiori différentes de celles des mandataires. Du Rwanda ou au Canada, c’est la nuit et le jour, mais c’est au fond pareil.
Un long tissu de mensonges à gros trous de vérités.
La démocratie est un tissu à gros trous. Des démocrates sur la place publique sont des dictateurs sous le toit familial. En famille, des membres bien soudés sont séparés sur le terrain de la démocratie, laissant entre eux un vide d’idées ou de façons de faire. Telle famille, telle région. A chaque région sa religion, à chaque peuple sa politique. La démocratie prend partout des couleurs et des manières locales. Localement, bien des gens observent de loin, ou préfèrent-ils ignorer ou faire semblant d’ignorer nt le jeu démocratique. Elles sont dans leurs mondes, de petites ou grosses affaires, légales ou sales. Elles sont comme des non croyants, ignorées par des majorités pratiquantes. Mais leur existence ne se traduira jamais en résistance. Alors, demeurera-t-elle insignifiante. C'est ainsi qu'aucune démocratie n'est défaite ni dévaluée par ses piètres scores de participation.
La démocratie déplace des foules, pour librement voter ou manifester. Une foule, est créée par le déplacement. Autrement, des individus appelés à former la foule sont perdus dans l'isolement. L'effet foule est fou, inimaginable. La vue d'une foule crée un vide d'arrière fond. En dehors, aucune foule toute différente ne semble exister. J'entendrais d'ailleurs plus d'un évoquer l'éventualité de ne laisser personne indifférente, commentant une manifestation de masse. Et pourtant, la réalité est que toute foule cache une autre, silencieuse et passive. Bien souvent plus de gens au sein d'une société sont chez eux, tranquilles, parfois désintéressées. Ainsi la démocratie est une dictature d'une minorité active.
A chaque moment, l'esprit de la démocratie souffle sur des communautés, des sociétés. Ses manifestations sont visibles et invisibles, prévisibles et imprévisibles. Nous ne voyons que celles couvertes par les médias, ou desquelles nous sommes acteurs. Dans diverses cités et régions, diverses organisations mettent en œuvre des processus dits démocratiques, de façon programmées ou spontanées. Elles y recourent pour prendre des décisions, pour pourvoir à leurs représentations, pour faire valoir leurs préoccupations. Dans mon coin, c'est une entreprise minière qui demande aux paysans de lui céder leurs terres, ailleurs des associations paysannes se dotent des règles et des consignes pour extraire les ressources en toute indépendance.
La démocratie n'est pas cloisonnée à la politique. D'ailleurs, la politique ne concerne pas exclusivement les politiciens, autant la démocratie ne concerne pas que les démocrates. Bien des acteurs de la démocratie ne sont pas des démocrates. Certains sont des pions ou des moutons, et d'autres des joueurs masqués. La démocratie, c'est fondamentalement l'art de faire adhérer à une promesse, ou de la faire avaler, massivement, collectivement. Sa force réside dans l'illusion de l'attribution du pouvoir par le peuple. Or, le peuple majoritairement émotif et illettré, ne peut pas voir à travers les lunettes matérielles et rationnelles du pouvoir. Demandez aux plus érudits ce qu'est le pouvoir, ses champs d'action et ses modes d'exercice, la réponse sera plus longue que la durée d'un mandat politique. Bien souvent, des élus voient leur mandat prendre fin avant même d’en comprendre le contenu et la portée. Comprendre et expliquer les méandres du pouvoir, n’est pas chose facile. Les moins érudits ne prendront pas de chance, ou iront-ils dans diverses directions, dans le champ.
Bien des gens, la majorité populaire, ignorent tout des ficelles du pouvoir. Mais cette même majorité baigne dans les douces illusions d'exercer le pouvoir par les magies de la démocratie. Dans toutes les sociétés dites démocratiques, les pouvoirs réels sont exercés par des acteurs non élus, et dont les électeurs ignorent les secrets, voire l’identité ou même l’existence. Les grandes décisions politiques, sont on le sait, prises sous l’influence déterminante des lobbyistes. Or, la profession du lobbying est occulte, non démocratique. Aucune école, aucun cursus universitaire, aucune institution sous gouvernance du peuple n’a l’œil ouvert sur cette confrérie.
L’argent, dit l’adage politique, est le nerf des guerres. Dans tous les pays, les riches ne sont pas nécessairement des démocrates. Mais ils ont l’argent, et ils n’ont pas été élus à cette fin. Leurs guerres, ne sont pas celles des peuples, même si les peuples en sont les soldats. Ces riches, en petits nombres, ne sont pas riches par la volonté du peuple. Sa volonté est d’assurer un partage juste, équitable et solidaire des richesses de la terre. Paradoxalement, il semble plutôt que les urnes soient des coffres forts pour des riches.
La meilleure et pire invention politique
La démocratie, c’est tout sauf une fin en soi. Quels résultats attendre de la démocratie? Par la démocratie, les ploutocraties ont été forcées par la révolte populaire, à concéder le principe du respect de la dignité humaine universelle et un partage des richesses, fruit de la terre et du travail des humains. Des travailleurs auront appris à se syndiquer, à s’approprier de leurs corps et de leurs idées. Des promesses et l’espoir, sont alors descendus jusqu’aux plus pauvres des pauvres. Et, hélas, ils y sont restés. Plutôt que de favoriser l’émergence d’une seule classe de travailleurs, la démocratie aura permis l’apparition d’une troisième classe, entre les riches aux commandes et les pauvres exploités. La classe moyenne est le fruit d’un idéal corrompu, si pas impur en partant.
Sur le plan humain, la démocratie a des bras longs, des coudes en avant et des mains de fer. Aux USA, elle produit des états très différents, très différents. Il y a par exemple ceux qui pratiquent la barbarie de la peine de mort, ceux qui respectent la vie, et le fédéral qui est militariste. Barbarie et militarisme, quelles différences?
A y voir de très près, la démocratie est une douce drogue pour le peuple. Elle est la pire invention politique de l'homme, après l'armée et la religion. Les ressources investies dans sa promotion et sa gestion, auraient suffi à l’invention du paradis. Depuis l'ère de l'abondance sélective, la démocratie est mise de l’avant tantôt tel un paravent, tantôt comme une option miracle. D'aucuns s'évertuent à chanter la démocratie, voient obstinément en elle une vertu dogmatique, et investissent aveuglement ou allègrement dans son expansion. Les riches en ont fait le refrain de leurs hymnes, pour miroiter aux pauvres le reflet du développement. Leurs pions ne dorment pas, tandis que les pauvres en font leur unique credo. Je crois en la démocratie, elle aurait créé la richesse et la paix, psalmodient-ils, piteusement. Oui, pour la paix, une paix sociale. La démocratie sert en effet de sédatif, de somnifère ou de calmant aux troubadours et trouble-fêtes. A mon sens, la démocratie populaire est un serf volant. On le voit aller, tenu par un fil, et on s’émerveille, mais on ne volera pas sous ses ailes.
Une fumisterie politicienne.
Économiquement, la démocratie est une délicieuse escroquerie intellectuelle. Fondamentalement, la démocratie n’est pas un facteur de développement. Aucun pays au monde, ne s'est enrichi et développé, par la magie de la démocratie. Les sociétés dites avancées ont toutes fait des pas de géants, sous l'impulsion de dictatures impitoyables, des conquêtes et de l'exploitation d'autres sociétés. Aucune ne sauraient se maintenir au podium par une véritable démocratie. Car, une véritable démocratie consacrerait la-non intervention dans la présidence aux destins des autres peuples. Or, c'est en accumulant des surplus d'échanges asymétriques et non démocratiques, que l’on s’enrichit. Et ces échanges sont maintenus à l’effet de stratagèmes aux saveurs de la démocratie et de la charité. Ne livre-t-on pas la démocratie par des lanceurs d'obus dans le but de rendre l’aide indispensable et rentable? Les surplus sont les excédents de retombées sur les dépenses en aides ou en efforts de destruction, les excédents de retours sur les transferts matériels.
En matière de relations internationales, tout a valeur commerciale. Dans cette relation, toutes les parties gagnent émotionnellement, mais une seule en tire profit. On n'investit pas, on va à la pêche, un hameçon au bout de la ligne dans l'espoir de ramener des filets de poisson. La démocratie, divise les peuples, pour sauvegarder les pouvoirs des pêcheurs enrichis par le travail des peuples. Chaque pays a son modèle de démocratie, lequel participe à la configuration d’une conscience identitaire nationale, distincte. Ainsi les peuples unis dans un même crédo se retrouvent divisés. Cette division est essentielle à la pérennité du capitalisme. Les gens payés par la mutuelle des pauvres, l’État, pour penser et éclairer l’organisation du mieux-être pour tous, sont les premiers à vendre la démocratie, et à en faire leur vache à lait.
Il y a mieux que la démocratie, et rien de nouveau à inventer. Faudrait-il seulement retrouver les sens, et trouver de bonnes formulations idéologiques et politiques. A suivre..