Ignorances inhumaines
Je lis et j'entends souvent discourir sur la supériorité absolue de l'espèce humaine, sur toutes les autres. Chaque fois, je me demande comment nous serions supérieurs.
Serions-nous supérieurs parce que «nous» faisons voler des avions? Combien d'entre «nous» savent construire un moteur, ou piloter un avion? Les oiseaux volent à quelques rares exceptions, de façon autonome. Ils n'ont pas besoin de gaz, ils ne craignent pas des accidents désastreux.
Sérions-nous supérieurs parce que des humains ont inventé l'écriture et des mots? Ces outils servent à la communication. Que savons-nous de la communication entre les plantes, les insectes, les animaux, etc.? Nous pouvions maîtriser la télépathie, nous n'aurions pas besoin de béquilles. Qui sait si l'humain n'a pas perdu des facultés de communication plus évoluées que d'autres espèces ont conservées? Serions-nous supérieurs parce que nous savons construire des tours de verre? Dans ces tours il arrive que nos cœurs se trouvent brisés au point de sauter dans le vide. Les autres espèces ont le cœur blindé. A quoi ca rime d'être supérieur et d'être fragile du fait de sa supériorité?
Serions-nous supérieurs parce que nous savons fabriquer des armes, écraser les mouches, et soumettre les uns les autres aux lois du plus fort? Les autres espèces sont toutes soumises à une même loi, celle de la nature. Indiscipliné et presque fou, l'humain s'est ajouté des lois du plus fort. Toutes les lois humaines sont en effet assorties d'une conséquence coercitive dépendant du recours à la force. Les lois ont des dents, dit-on. Est-ce cela être supérieur et ne pas savoir être véritablement libre?
La supériorité humaine tient à une déviance de perception du sens de la vie. Quel est ce sens? Je l'ignore, et je crois que nous l'ignorons. Alors, nous nous laissons aller dans un sens que nous croyons conduire à l'optimum. Le confort, l'insouciance, l'abondance, la gourmandise, l'égoïsme, la concurrence, etc. À cause de cela nous pensons que la vie sur terre aura une fin, que la terre elle-même sera réduite en poussières. Nous croyons savoir l'origine de la vie et de la terre, mais au fond ce ne sont que des suppositions. Je suppose que ces stupides questions ne préoccupent pas les autres espèces. L'humain gourmand ressemble à un jeune enfant également gourmand, toujours inquiet d'imaginer son assiette vide. Parce que nous nous savons passager sur cette terre, nous voulons la vider de toute substance comme si tel était le destin. Nous creusons partout à la recherche de tout ce qui sert à tromper notre insatiable faim, bientôt il ne restera de la croute terrestre qu'une passoire usagée. Nous agissons ainsi, en despérados, sans jamais considérer l'opinion des autres espèces, et nous proclamons inlassablement la supériorité humaine. Les autres espèces ne sont pas rendues là. Que la terre soit à risque de mourir ou non, elles en prennent juste le peu dont elles ont besoin pour vivre naturellement, jamais pour se gaver gloutonnement. Est-ce cela être supérieur et ne pas savoir observer les frontières d'une vie simple, optimisée?
L'humain «supérieur» est simplement ignorant. Il ignore même qu'il est ignorant. Quand il abat un arbre, deux arbres, trois arbres sans que d'autres arbres lui courent après, il croit que ces autres êtres sont inférieurs. Qui sait parler aux arbres pour savoir ce qu'ils pensent? Nombreux me prêteront la folie ou l'ennuie, parce qu'ils croient évident que seul l'humain pense. Il n'y a pas un siècle, des «scientifiques» occidentaux croyaient que les pauvres noirs n'avaient pas d'âme. Il y en a encore qui pensent à une sorte d'équivalence pour les civilisations. Parce qu'ils ignoraient l'essentiel des autres cultures. Chaque fois que l'humain se trouve en face d'une société qui lui est étrangère, il se la représente d'ordre inférieur. Au fond, hiérarchiser les espèces, c'est faire preuve de l'ignorance de la loi fondamentale: la plus petite espèce que la nature retient, maintient l'équilibre de la vie, autant que la plus dominante. Inutile ou de trop, l'espèce disparaît, tout naturellement. Il en sera ainsi de l'espèce des «gloutons» humains.
Francois M. ©xP, Québec, 2010