Compaoré et le placard à Sankara
Sankara, n'est certainement pas un saint, mais il est sous le ciel nuageux d'Afrique une icône sacrée. L'étoile filante qui apparut assez de temps pour marquer l'esprit, et qui par une main minable vint s'échoir sur le perron du palais aux hommes intègres. Je le vois encore ce grand mordu de la libération africaine, pédalant à vélo sur une route en terre sillonnée de colonies de margouillats. Il était très jeune aussi, trop pour savoir insuffler le vent autonomiste sans s'attirer la foudre des impérialistes. Leur homme de paille et son fossoyeur n'est nul autre que Compaoré. Lui qui fut son compagnon d'armes lui a porté la main au collet, et l'a ignominieusement étouffé. Quelle honte, quelle horreur !
La sagesse des pauvres nous rappelle inlassablement que le crime paie. Ou plutôt est-il ailleurs payant, pour un certain temps. Un temps limité, excepté pour ceux à qui il profite indirectement. Au Chili par exemple, Pinochet la marionnette des américains prit le sang du socialiste Salvator Allende. Bénéficiant de leur appui, il usurpa le pouvoir et se vautra dans l'opulence et le fascisme. À son actif, des milliers de veuves et d'orphelins à qui le chanteur Sting dédia «Dancing with the missing», la danse des absents. Le mal connaît lui aussi une fin, nous dit la sagesse rwandaise. «Nta agahora gahanze». Pinochet dut vivre le compte à rebours de ses jours. On peut dire sa tourmente fut brève par rapport aux années passées au palais en demi dieu. Mais qui saurait si ce n'est qu'une imagination ?
Le crime se conserve dans des squelettes. Et les squelettes dans les placards. Chaque jour, chaque instant, chaque fois qu'une mouche s'en approche et vrombit, les squelettes s'agitent et manifestent leur présence. Ce n'est guère de tout repos. Pinochet finit donc par recevoir sa note, et la payer. Peut-on dire autant, de Blaise Compaoré ? Assurément. Les marionnettistes se sont servis de lui, de sa jeunesse, de sa cupidité et de sa stupidité. Pendant longtemps le temps l'attendait. Pour lui remettre la note. Nous y voilà. Certains coeurs par lui meurtris crient haut et fort: à mort Blaise. Des cris faits derrière lui, à l'allure d'une farce. Un peu comme Sankara fit en pleine face de l'impérialisme. À bas l'impérialisme ! Et l'impérialisme ne s'est jamais mieux porté, il est plus cynique et plus étendu à nos jours. Et ce malgré des efforts colossaux de coopération. Pourquoi donc ?
Compaoré vient de quitter, mais l'esprit du mal et les squelettes sont restés. Scellés par son absence, dans l'obscurité de rues. Car justement l'esprit du bien prévalant, aucune raison de fuir ou craindre pour sa vie ne subsisterait. Il faut éclairer cette avenue, faire en sorte que plus jamais un citoyen ait peur de la justice de ses pairs. Aussi, que la lumière bienfaisante pénètre la puissance maléfique. La balle traverse la muraille aux penseurs africains. «Beat it, or join it », pense le diplomate américain. Il est temps pour l'Afrique d'innover dans l'art de la transformation sociale, pérenne. Sans haine, sans peine et sans courbure d'échine. Avec lucidité optimisée, sagesse et assiduité rigoureuses.
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